La notion de pelouse n'est pas toujours clairement appréhendée et le sens des nombreux adjectifs qui sont utilisés pour la qualifier (calcaire, sèche, calcicole, ouverte...) ne sont souvent ni bien définis, ni employés à bon escient. Qu'est-ce qu'une pelouse ? Quand peut-on la qualifier de calcicole ? Une pelouse est-elle toujours sèche ? Multiples questions qu'il est bon d'aborder un peu scientifiquement si l'on veut comprendre de quoi l'on parle.





Concept de pelouse et diversité des pelouses

Le mot pelouse trouve son origine dans le latin pilosus, couvert de poils. Une pelouse est définie par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales comme une "Formation végétale herbacée, basse et fermée, essentiellement constituée de graminées associées à quelques légumineuses et à quelques plantes à rhizomes que l'on rencontre en particulier dans les zones de pâturages en montagne" http://www.cnrtl.fr/definition/pelouse



Lumière et chaleur

Une première caractéristique des espèces présentes sur une pelouse peut être déduite de la définition ci-dessus : une végétation herbacée basse induit que le sol d'une pelouse reçoit sans entrave les rayons solaires. La majorité des espèces de pelouse sont donc des espèces héliophiles (qui ne peuvent se développer complètement qu'en pleine lumière).

On trouvera en Annexe les listes des plantes héliophiles, photophiles et sciaphiles observées sur les pelouses du Toulois. Une espèce peut apparaître dans deux de ces listes parce qu'elle est par exemple héliophile ou photophile. Il en sera de même pour les listes suivantes concernant les conditions édaphiques, acidité et économie en eau du sol. De telles espèces ont une amplitude de répartition plus vaste qu'une espèce aux exigences plus strictes et elles possèdent un caractère indicateur évidement plus limité.


Le sol d'une pelouse bénéficie donc d'un ensoleillement important et pour peu que celle-ci soit bien orientée, sud ou sud-ouest par exemple, c'est un endroit chaud. On y trouvera donc de nombreuses espèces thermophiles (qui poussent de préférence dans des endroits chauds). Comme précédemment, on trouvera en Annexe la liste des principales espèces thermophiles observées sur les pelouses du Toulois.

Une pelouse calcaire est une pelouse dons le substratum géologique, la roche mère, est calcaire. C'est le cas de la majorité des pelouses du Toulois situées sur le Bajocien-Bathonien de la Côte de Moselle ou l'Oxfordien de la Côte de Meuse. 

Pelouse calcaire sur roche mère calcaire... mais ce n'est pas la roche mère qui fait la plante et donc la pelouse mais le sol qui la surmonte et lui est associé. Quels types de sol va-t-on donc trouver sur la roche mère calcaire d'une pelouse calcaire ? Les éléments de pédologie (science du sol) figurant dans ce chapitre ont été rédigés par Micheline Montagne dont les articles consacrés au relation sol-végétation dans le Toulois, cités dans la page livres et liens, permettent d'approfondir le sujet.

        
Si on prend l'exemple de la pelouse de Sexey aux Forges, le sol qui y est majoritairement observé correspond au profil type d'un sol sur bord de plateau de la côte de Moselle. Il s'agit d'un sol brun calcique superficiel à profil de type A1- (B) situé sur calcaire dur du Bajocien inférieur et moyen. C'est un sol peu profond (10-15 cm), composé essentiellement d'argiles de décalcification, de structure grumeleuse et dépourvu de calcaire actif.
Sur ce type de sol, pauvre en calcaire actif poussent préférentiellement des espèces neutrophiles (qui poussent dans des conditions de pH voisines de la neutralité) et la pelouse est dite pelouse calcaire neutrophile.




Le sol brun calcique superficiel n'est pas le seul type de sol présent sur les pelouses du Toulois. D'autres types sont observés en fonction de la roche mère, de la topographie et des phénomènes d'hydromorphie :

• En fonction de la roche mère : 

• Sur roche très dure, la couche d'altération est plus mince, voire absente (Lithosol). Dans ce dernier cas, le calcaire dur affleure en dalles sur lesquelles la végétation s'installe à la faveur de fissures pouvant retenir un peu d'humus et d'humidité.
• Si la couche d'argiles de décalcification est plus épaisse, l'acidité peut être localement plus significative.
• A l'inverse, sur des roches plus tendres (Bathonien) le sol est plus profond et l'altération peut participer à la carbonatation des couches de surface (Sols bruns calcaires).

• En fonction de la topographie :

• Les lithosols peuvent être liés à l'érosion sur rebord de plateau, sur pente très forte ou sur falaises.
• Sur le plateau, les sols sont des sols bruns eutrophes, des sols bruns calciques ou des rendzines brunifiées (sol plus riche en humus et en calcaire actif que les sols bruns calciques superficiels de plateau).
• Les bas de pentes sont favorables à un enrichissement en calcaire actif et en matière organique des sols qui ont un caractère colluvial d'autant plus profond et riche en matière organique qu'on se situe en bas de pente. Les sols peuvent êtres des rendzines colluviales, des sols bruns calcaires.

• Des phénomènes d'hydromorphie peuvent apparaître à la faveur d'une couche plus argileuse plus ou moins profonde (sur Bathonien marneux) ou à la faveur de la topographie (cuvette). Cette hydromorphie a un caractère temporaire.

Il existe une relation inverse entre l'acidité d'un sol et sa teneur en calcaire actif : un sol est d'autant moins acide que sa teneur en calcaire actif et par conséquent sa teneur en calcium soluble échangeable est élevée. On trouvera donc sur les sols de plus en riches en calcaire actif (sols bruns calcaires, rendzines brunifiées et rendzines colluviales) une végétation de moins en moins neutrophile, constituée principalement d'espèces neutrocalcicoles à calcicoles (qui poussent préférentiellement ou exclusivement sur des sols riches en calcium), et les pelouses pourront alors être qualifiées de pelouses calcicoles. Enfin sur les lithosols se rencontrent des espèces saxicoles (qui se développent sur des rochers).

Répartition des espèces calcicoles, neutrocalcicoles et neutrophiles entre une pelouse calcicole et une pelouse neutrophile
(Les listes de ces espèces observées sur les différentes pelouses du Toulois sont consultables en Annexe)

Cas particulier des sols sur alluvions situés en vallée de Moselle 

Il existe très localement dans la vallée de la Moselle (entre Pierre la Treiche et Villey le Sec notamment) des pelouses sur alluvions. Ce sont principalement des endroits qui ont servi de dépôts des matériaux extraits du cours de la rivière lors de sa mise à grand gabarit dans les années 1973-74. Ces matériaux d'origine vosgienne, galets et sables, ne sont pas calcaires. L'hydromorphie du sol par engorgement y est plus durable, liée à leur position topographique en fond de vallée et à la présence éventuelle de matériaux plus imperméables. Les alluvions récentes étant peu acides, l'altération des galets et les nappes plus ou moins superficielles enrichissant le sol, son acidité y reste faible. Aujourd'hui ces zones abritent encore essentiellement des espèces pionnières (qui sont capables de coloniser des terrains nus) et parfois à tendance plus ou moins psammophile (qui pousse principalement sur des sols sableux), acidicline et hygrocline. Actuellement d'intérêt anecdotique, le suivi de leur évolution dans les années à venir pourrait être instructif. 

Économie en eau du sol

L'économie de l'eau dans le sol est là encore directement liée au type de sol, à sa topographie et à son exposition :

• On conçoit aisément qu'un lithosol, un sol brun calcique ou une rendzine brunifiée superficiels soient des sols secs et d'autant plus secs s'ils se situent sur une pente bien exposée. On dira de ces sols très secs de façon quasi-permanente que ce sont des sols xérophiles. On y rencontrera des espèces xérophiles (qui s'accommodent de milieux secs) et donc un pelouse xérophile. 
• Les mêmes sols bruns sur plateau, généralement moins superficiels et moyennement drainés, les rendzines colluviales et les sols bruns calcaires de bas de pente, plus profonds mais mieux drainés sont moins secs. On y trouvera plus facilement des espèces mésophiles (qui se plaisent dans les conditions moyennes du gradient sécheresse-humidité) constituant une pelouse mésophile.
• Entre ces deux groupes d'espèces, les espèces mésoxérophiles (qui tolèrent de longues périodes de sécheresse, notamment l'été) se rencontreront à la fois sur les pelouses xérophiles et les pelouses mésophiles.
• Enfin certaines pelouses, surtout si leur étendue est importante et leur topographie variée, peuvent être des pelouses mixtes renfermant à la fois des zones xérophiles et des zones plus mésophiles, des zones calcicoles et d'autres plus neutrophiles.

Les pelouses calcaires du Toulois sont ainsi très diversifiées en fonction de leur étendue, leur sol, leur topographie et leur exposition. Seuls l'inventaire floristique d'une pelouse et celui de ses espèces indicatrices, idéalement associés à l'étude pédologique de son sol, permettent de les qualifier : pelouse calcicole xérophile, pelouse calcicole mésophile, pelouse neutrophile mésophile....

La plupart de ces pelouses sont classées en ZNIEFF et certaines d'entre elles sont intégrées dans des sites Natura 2000. La page Protection des espèces et des milieux du chapitre consacré plus spécifiquement à la Flore protégée du Toulois informe sur ces niveaux de protection.

Les Pâtis à Sexey aux Forges